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La vie absurde de Mr Zag
6 mars 2020

la journée de l'infâme

 

 

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Tu mérites plus qu'une journée, toi qui me portas dans ton ventre pendant neuf mois. Mon premier souffle dans une maternité déjà débordée, épuisée par un combat avec des contractions vicieuses pendant plus de sept heures à supplier le dieu de la péridurale que le calvaire s'achève et que l'agitation insupportable de ton bas-ventre se calme. Mon premier cri sur une planète chaotique à chercher ta peau rassurante, couverture de soie tiède indestructible me protégeant de l'agitation des géants qui parlent fort. Ma première nuit contre ton sein sentant le battement de ton cœur, ta respiration et la douceur de tes paroles apaisantes. Il y eut mon premier cauchemar à combattre un monstre imaginaire crachant du feu et rampant au plafond, en boule sous une couette épaisse, à transpirer jusqu'à ce que tu entendes mes cris et que tu viennes me réconforter en pleine nuit. Ma première rentrée des classes, terrifié devant la grille de l'école maternelle Saint-Jean, un doudou au bord de l'asphyxie à la main, me demandant si j'allais survivre dans cet énorme bâtiment anonyme. Ma première bagarre dans la cour, à coup de râteau, de sable dans les yeux et de crachats gluants en plein visage.

Tu étais là pour m'encourager  lorsque je n'arrivais pas à poser une division ou à réciter un poème de Jacques Prévert, pour panser mes genoux écorchés après ma première  chute à vélo, en équilibre précaire sans les petites roues ou pour soigner une fracture ouverte du cœur après avoir été largué pour la première fois en rentrant d'une colonie de vacances dans les Vosges. Mes premières désillusions  à l'adolescence, quelques poils sur le menton à jouer à l'anarchiste, un exemplaire de Charlie Hebdo dans la main, tu m'expliquas que la vie n'est ni noire, ni blanche mais grise et que s'il y'a des mauvais moments, il y'en aussi des bons. Lorsque je percutai un camion en plein milieu de la nuit en rentrant de Colmar, les pompiers me demandèrent si je souhaitais contacter quelqu'un, cest  ton numéro qu'ils composèrent à ma demande, le plus naturellement du monde. J'avais besoin d'entendre ta voix et de te dire que tout va bien malgré l'état d'une Fiat Uno qui ressemblait davantage à un César de mauvaise qualité.

Tu étais présente à beaucoup de premières fois, pas à  toutes heureusement, mais si j'ai pu devenir ce que je suis actuellement, c'est en très grande partie grâce à toi, à tes conseils, ta présence et ton amour et parce qu'en tant qu'homme, il y'a beaucoup  moins de possibilités de subir les premières fois dramatiques dont tu as peut-être été victime mais que la pudeur t'interdisait de raconter.

Le premier viol comme pour  12% des françaises  ou le  premier geste sexuel sans consentement comme  pour 43 % d'entre-elles  - Le  premier coup reçu et pour certaines, le dernier, lorsque celui-ci est assassin comme pour 220 000 femmes victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Parmi elles, 3 femmes sur 4 déclarent même avoir subi des «faits de violences répétés» et 8 sur 10 auraient également été soumises à des atteintes psychologiques et/ou des agressions verbales. 

Tu mérites plus qu'une journée, plus que des miettes marketing et  l'hypocrite mais une reconnaissance permanente, du respect, de la compassion, de l'égalité, la légitimité d'aimer qui tu veux et comme tu veux, de faire le métier que tu veux et d'avoir le même salaire que les autres,  de faire l'amour seulement quand toi tu le souhaites, de baiser sans être traitée de salope, de dire NON, de mettre un décolleté ou une mini-jupe sans être sifflée, insultée ou tripotée, de t'épanouir, d'avoir un avis et de le crier haut et fort, d'être ivre sans craindre de retrouver du GHB dans ton verre, de ne pas être considérée uniquement comme une femme d'intérieur, la mère des enfants, une poupée Barbie ou un objet sexuel.  Tu mérites de jouir, de t'engager en politique, de diriger des entreprises et des hommes, de gagner autant ou plus que ton mari,  de ne pas te maquiller ou de ne pas mettre de talons, de ne pas t'imposer de régime pour plaire aux autres, de t'aimer, d'avoir ou  non des enfants, de rester célibataire et de ne pas te justifier en permanence sur chacun de tes choix. Tu mérites d'être considérée, écoutée, de créer, de choquer, d'avoir les moyens et les mêmes chances que les hommes. Tu mérites d'exister et de te faire entendre,  de te rebeller, de t'énerver, de diriger, de faire la gueule, de baisser les bras ou de te débrouiller toute seule, d'emmerder le monde et de vivre comme tu l'entends.

Ce "TU", ce n’est pas seulement Adèle Haenel, Virginie Despentes, les Femen ou Simone de Beauvoir, c'est une mère, une soeur, une femme, une fille, une tante, une amie, une maîtresse, peu importe, c’est  un être humain avec des droits, 365 jours par an et non pas juste une journée.

 

 

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La vie absurde de Mr Zag
  • Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job. Il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit Strasbourg avec son coeur et ses tripes.
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